Développer une pensée critique : une nécessité vitale de notre époque

Nous constatons la place toujours grandissante des réseaux sociaux, qui jouent beaucoup sur l’instantanéité de l’information et sur l’émotion qu’elle peut transmettre. S’il est possible de « liker » en un clic à peu près n’importe quoi, prenons-nous le temps de réfléchir un moment à ce que nous « likons » et à son possible effet manipulatoire ? De la même manière – depuis toujours et dans tous les régimes politiques – les médias et ceux qui les utilisent peuvent facilement nous tromper, nous le constatons tous les jours.

Pour développer un contre-pouvoir à l’influence des réseaux sociaux surabondants et qui deviennent surpuissants, pour éviter d’être (trop) manipulés par toutes les informations que nous recevons, il semble essentiel et vital de développer et d’entretenir une pensée critique.

Manipuler les autres, en effet, existe depuis toujours. Les sophistes y excellaient, et il nous ont légués de nombreux moyens de manipulation encore fort répandus dans tous les domaines de la société, des responsables politiques au café du commerce, des vidéos sur Youtube aux informations propagées par les réseaux sociaux.

Des techniques de manipulation et de propagande ont été conceptualisées dans les années 20 – avec un grand succès, et jusqu’à aujourd’hui, par l’Américain Edward Louis Bernays avec son célèbre FUD : Fear, Uncertainty and Doubt (Créer de la peur, de l’incertitude et du doute). Des cabinets conseils sont spécialisés dans la fabrique de ces trois éléments.

On peut identifier de nombreuses raisons à l’affaiblissement de la pensée critique, en voici quelques-unes, qu’il est facile de retrouver dans nos comportements de tous les jours.

  • Le manque de curiosité. Il ne nous vient pas à l’esprit de remettre en question ce qui est dit à la télévision.

  • La peur du changement. Si je me pose des questions, cela risque de m’obliger à changer de point de vue.

  • La peur de l’autorité. Je sais que mon patron n’aime pas être contredit.

  • Le poids du groupe. Si tout le monde est d’accord, c’est que l’argument doit être bon.

  • Sauver la face. Je me suis déjà jeté à l’eau, j’ai déjà pris parti, je ne peux pas changer d’avis maintenant.

  • Le manque de temps. Il faut que nous prenions une décision rapidement, sous peine de laisser passer notre chance.

  • Le stress. Il y a tant de choses à faire, et cet argument n’a qu’un faible niveau de priorité, pourquoi y passer du temps ?

  • Les biais psychologiques. « De toutes façons, tous ces écolos sont des anticonformistes dont on ne peut rien tirer. » Comment peut-on leur faire confiance ?

  • La culture. Nous avons toujours fait comme ça et cela a toujours fonctionné.

  • Les préjugés. « Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que « ces gens-là » soient crédibles, tout de même ! »

  • L’ego. C’est mon idée, où est le problème ?

  • Une référence historique supposée absolue. « Comme le disait ma grand-mère… »

  • Des proverbes, des maximes ou des citations. « Qui ne dit mot consent ». « Il n’y a pas de fumée sans feu. »

  • L’enthousiasme du moment, une mode. « Cette idée est tellement excitante, faisons-le ! »

  • La paresse intellectuelle. Développer une réflexion critique prend du temps et de l’énergie.

Développer une pensée critique – et la développer chez nos enfants et à l’école – nous donne de meilleurs possibilités de résoudre des problèmes, de mieux interagir avec les autres, de prendre de meilleures décisions, en évitant les erreurs qui sont la conséquence d’une logique erronée.

 

Bruno Hourst