L’approche du « mieux-apprendre » 2/4

2. Peut-on faire autrement pour former, enseigner et transmettre ?

Derrière les évolutions technologiques et sociales se pose encore et toujours la question essentielle : « Peut-on faire autrement pour transmettre, et, si oui, comment faire autrement ? ». C’est cette question, depuis près de 30 ans, qui m’a conduit à rechercher et à découvrir une approche pédagogique ouverte, respectueuse de l’apprenant, tenant compte de la diversité et de la richesse de ceux qui apprennent et de ceux qui transmettent.

Cette approche n’est en rien une « méthode », mais permet de changer son regard sur le « fait d’apprendre » et le « fait de transmettre ». On découvre ainsi que l’on peut apprendre mieux, avec plus de plaisir et d’efficacité, en retrouvant une manière naturelle d’apprendre ; que l’on peut sortir du schéma classique imposé par le système scolaire (et qui est trop souvent calqué dans la formation pour adultes) sans tout casser et sans vouloir faire du passé table rase.

Chacun y trouve alors son bénéfice : l’enseignant et ses élèves, le formateur et ses stagiaires, le parent et son enfant, et également soi-même.

Du côté de l’école, des pédagogies différenciées, c’est-à-dire des pédagogies qui prennent en compte la diversité des élèves et leurs besoins cognitifs, se sont également développées, même si l’on s’occupe encore trop souvent chez l’enfant et chez l’élève de ses difficultés et de ses faiblesses, plutôt que de s’appuyer sur ses talents et sur ses forces. Sur ce plan, la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner est actuellement de mieux en mieux acceptée, et ouvre des pistes pédagogiques particulièrement intéressantes et fécondes.

On a également pris conscience que le rapport entre la personnalité et le fait d’apprendre est universel. Rétablir une bonne relation avec le fait d’apprendre, conserver le goût et le plaisir d’apprendre toute sa vie apparaissent plus que jamais une nécessité pour vivre dans notre monde en changement. Cela est vrai au niveau de l’individu, mais également au niveau de la collectivité : une société fondée sur l’acquisition et le partage des savoirs a plus de chances de se développer d’une manière harmonieuse qu’une société où l’acquisition des savoirs est un enjeu de pouvoir et de domination.

Les pays à la dérive, en particulier, ont plus besoin d’outils pédagogiques pour vivre que d’armes pour s’entre-tuer. Car c’est sur le manque d’une éducation de qualité que se bâtissent les tyrannies et que s’appuient les despotes : quel tyran ira favoriser un enseignement et une éducation privilégiant la créativité, l’ouverture d’esprit, la connaissance, le respect de l’autre, le partage ?

Nous le constatons également : le rapport à « l’apprendre » peut créer d’innombrables richesses comme il peut également générer d’innombrables souffrances, souvent dues à l’inconséquence de certains enseignants, à l’enfermement de certains parents dans des schémas stéréotypés, ou à la sclérose d’un système qui se reproduit indéfiniment. On a oublié que l’on peut apprendre très bien et très sérieusement avec plaisir, et même en s’amusant : le petit enfant ne fait pas autre chose, et cela fonctionne extraordinairement bien.

3. Vers une approche pédagogique plus humaine

Nous touchons là à une ambition claire de l’approche pédagogique du « mieux-apprendre »: il ne s’agit pas d’être plus efficace, d’apprendre plus vite (comme le suggère la regrettable expression anglaise « Accelerative Learning »), il s’agit avant tout d’être au service de l’humain, d’aider l’individu à se construire une personnalité plus ouverte sur le monde, plus respectueuse de l’autre, moins facilement manipulable, sachant réfléchir avant d’agir, apprenant à maîtriser des comportements infantiles de pulsion.

Mais le modèle de société que l’on nous propose actuellement, via la publicité omniprésente (télévision, réseaux sociaux, etc.) est fondé sur la compulsivité et l’immédiateté : la compulsivité nous pousse à acheter, et tout de suite, car l’avenir de notre société en dépend : il faut consommer. Et l’immédiateté est à la racine du fonctionnement des réseaux sociaux.

L’embêtant, c’est que la compulsivité est un comportement que l’on cherche à refréner lorsque l’on souhaite bien éduquer un enfant – et bien des adultes le sont, compulsifs. Et l’immédiateté est contraire à une démarche pédagogique de qualité : pour apprendre, il faut du temps, de la maturation, de la réflexion. Enfants et adolescents tout autant que les adultes sont pris dans ce grand écart psychologique entre le modèle compulsivité/immédiateté qui est omniprésent, et la nécessaire temporalité de l’apprentissage.

à suivre…

Bruno Hourst