6. Le déferlement d’Internet, des réseaux sociaux et de l’IA
L’évolution vertigineuse de la technologie et des comportements sociaux liés aux nouvelles technologies a profondément modifié, en quelques années, notre relation aux savoirs et à tout ce qui touche à l’apprendre. Les enfants n’apprennent plus et n’apprendront plus comme leurs parents ont appris à leur âge.
Cette évolution dans le paysage pédagogique a-t-il changé radicalement notre rapport à « l’apprendre » ? La question mérite d’être posée, même si le recul est encore trop faible pour en saisir l’impact réel, les bénéfices et les dangers.
Internet et ses développements ont de nombreux avantages pour apprendre, en particulier une richesse disponible inouïe, la possibilité de partager ses compétences et ses connaissances, la gratuité d’un grand nombre de ressources, la possibilité de développer une « pédagogie inversée », etc.
L’arrivée récente de l’IA dans le champ de la pédagogie pose, quant à elle, déjà de nombreuses questions : il y a un risque majeur de pensée formatée, au détriment du développement de la réflexion, de l’esprit critique et de la créativité.
Il a également d’autres risques et des inconvénients : le risque de perdre contact avec la réalité, en vivant dans une atmosphère virtuelle ; la difficulté à gérer la surabondance ; la tentation d’utiliser des informations sans réflexion personnelle, sans vérifier leur qualité et leur pertinence ; la confusion entre l’offre et la qualité de l’offre : on peut trouver d’innombrables présentations PowerPoint prêtes à l’emploi, mais sont-elles pédagogiquement de bonne ou de mauvaise qualité ?
Dans l’approche du mieux-apprendre, nous évitons de suivre aveuglément les modes et les évolutions technologiques trop rapides. Parfois une activité papier-crayon, d’un coût nul, peut avoir plus d’impact pour la transmission d’un savoir ou d’une connaissance que la dernière technologie du moment ou qu’une vidéo parfaitement calibrée.
7. L’apprentissage, un lieu d’éducation
N’oublions pas que l’apprentissage, pour l’enfant, est un lieu d’éducation. Et en tant qu’adulte, il faut prendre conscience que l’enjeu n’est pas mince : à travers la manière dont nos enfants apprennent aujourd’hui, se crée l’humanité de demain. Car apprendre est bien autre chose que remplir une tête, qu’elle soit bien faite ou bien pleine : à travers ces apprentissages vont se créer progressivement chez l’enfant son rapport au monde, aux adultes, et les fondements de sa personnalité. Apprentissage et éducation sont intimement liés.
Et chez les grands oubliés de la formation d’adultes, il y a en premier lieu les parents, à qui l’on demande, via le « travail à la maison », une démarche pédagogique importante pour laquelle ils ne sont en général pas formés.
L’approche du mieux-apprendre vise l’humanité de l’être humain, le développement aussi harmonieux que possible de l’être humain dans toutes ses richesses. Dans notre manière de concevoir la pédagogie, nous souhaitons aider l’humanité à avancer, pas à rendre l’être humain « plus efficace ».
8. Éloge de la différence : égalité ne signifie pas uniformité
Le système scolaire, comme sa reproduction dans la formation d’adultes, est globalement fondé sur un principe d’égalité. Mais ce principe d’égalité est souvent mal compris : égalité ne signifie pas que tous les apprenants doivent, pour réussir, apprendre la même chose, de la même manière, au même moment – ça, c’est le principe d’uniformité, justement remis en cause. Le principe d’égalité, c’est donner à chacun, sans exception, toutes ses chances de réussir d’une manière qui lui convienne. Au principe d’uniformité va alors se substituer l’éloge de la différence et son encouragement : l’autre est différent dans ses richesses, et il est intelligent différemment de moi, nous avons tous les deux infiniment d’avantages à vivre et à travailler ensemble.
Avec l’approche du mieux-apprendre, nous nous enracinons dans l’éloge de la différence, nous faisons en sorte de pouvoir mieux vivre, travailler et œuvrer ensemble. C’est notre utopie, et c’est cette utopie qui nous fait avancer.
Bruno Hourst