4. L’approche du mieux-apprendre est-elle une approche novatrice ?
L’approche pédagogique du « mieux-apprendre » peut être considérée comme novatrice, tout en ne l’étant pas du tout : elle se coule sans difficulté dans le flot des principes pédagogiques proposés depuis toujours par de grands pédagogues. Par exemple, lorsque l’on parle de l’intérêt de prendre en compte « le corps, le cœur et le cerveau » de celui qui apprend, on n’est pas bien loin des principes de la rhétorique d’Aristote.
En y intégrant les apports de la psychologie et des recherches en neuro-sciences, une approche pédagogique comme celle du mieux-apprendre permet de moderniser des idées pédagogiques connues depuis des temps ancestraux. C’est une approche ancrée dans l’histoire de l’humanité, qui nous permet de retrouver un regard neuf sur le fait d’apprendre et qui est adaptée à notre monde actuel.
Bien apprendre fait également et forcément référence à ceux qui s’intéressent à la transmission des connaissances et des savoirs : les pédagogues. Car ce souci de bien apprendre et de bien transmettre est vieux comme le monde : on fait, par exemple, encore couramment référence aux idées pédagogiques de Socrate (qui vivait, rappelons-le, vers 450 av. J.-C.).
Mais curieusement, lorsque l’on s’intéresse à ces grands pédagogues connus et reconnus, d’Aristote au Brésilien Paulo Freire en passant par Tolstoï, on constate une chose : pratiquement tous font des constats et des propositions, venant parfois de la nuit des temps, qui remettent en cause d’une manière ou d’une autre notre système d’enseignement actuel. Le phénomène est tel que les tenants du Je n’en suis pas mort, du Ça a marché pour moi, donc ça doit marcher pour les autres et du Il faut revenir aux pratiques du bon vieux temps accusent ceux qui fondent leur réflexion sur ces grands pédagogues de « pédagogisme », le terme étant bien entendu injurieux. Par un surprenant renversement, on fait des pédagogues les boucs émissaires des échecs d’apprentissage, alors qu’ils ont toujours œuvré, justement, pour éviter ces échecs. Mettre ainsi à la poubelle de l’histoire, avec tant de légèreté, toutes ces personnes qui ont œuvré dans le champ de la pédagogie a un petit côté d’autodafé : en les brûlant, on croit les supprimer. C’est l’illusion du tyran ou du despote.
À tous ces pédagogues, on peut en ajouter un : le petit enfant, qui apprend merveilleusement bien, avec une très grande facilité, énormément de choses.
5. L’explosion des neurosciences et des recherches sur le cerveau
Les recherches sur le cerveau ont ouvert cette notion d’apprentissage compatible cerveau (Brain-compatible learning), qui conduit à constater que certains principes pédagogiques, qui sont inscrits dans le marbre depuis la nuit des temps, empêchent en fait le cerveau de fonctionner correctement lorsqu’il apprend.
Par ailleurs, le cerveau devient le lieu de tous les enjeux, des meilleurs comme des pires. Une meilleure connaissance permet de mieux l’utiliser, de le soigner et de mieux l’entretenir. Cela permet également une meilleure connaissance de nos comportements, pas toujours dans un but très avouable. En particulier les médias et la publicité s’intéressent de très près à notre matière grise, afin de nous manipuler plus facilement. On se souvient de certains qui exprimaient cela avec cynisme : ce qui nous est présenté à la télévision ou sur les réseaux n’a pas d’autre but que de rendre notre cerveau plus disponible à la publicité.
Le cerveau peut également être le siège de tous les fantasmes : à la crainte du « lavage de cerveau », largement répandu pendant la guerre froide, se substituent maintenant des rêves d’agir directement sur le cerveau, en particulier pour apprendre. Il est alors bon de rappeler que la technique doit rester au service des valeurs ; que le rapport à l’apprendre est directement fondateur de la personnalité, et doit rester un espace de liberté.
Certaines recherches en neurosciences peuvent permettre d’enrichir une approche pédagogique – cela a été le cas depuis 30 ans en ce qui concerne l’approche du mieux-apprendre. Mais cela doit se faire avec discernement et précaution : les résultats d’une étude pointue, sérieuse et validée ne sont pas forcément transférables tels quels dans une salle de classe ou dans un lieu de formation.
à suivre…
Bruno Hourst